Sorti en octobre dernier, Dracula
Untold fut la bonne surprise de 2014 pour les amoureux des
chauves-souris. En effet, l'idée de revoir Dracula sur grand écran
était plutôt jouissif, d'autant plus que les films vampiriques de
qualité se font rares.
Pourtant, les critiques mitigées
furent nombreuses ; le film divise, mais le succès public est
là et c'est quand même le principal.
Pour ma part, l'excitation était à
son comble pour de nombreuses raisons, mais surtout celles-ci :
Bien sûr, étant bénie par un chat
noir, je n'ai pu voir le film au cinéma, c'est donc tout
naturellement que je me suis ruée sur le Blu-ray disponible depuis
peu.
Une réelle bonne idée
On peut se demander quel est l'intérêt
d'adapter une nouvelle fois l'œuvre de Bram Stoker, surtout après
la multitude de films déjà existants sur le sujet. L'atout
principal de Dracula Untold est qu'il s'agit d'un préquel à
l'histoire du comte telle que nous la connaissons.
Il nous montre comment et pourquoi le
prince Vlad III est devenu Dracula, le mythique vampire de la
littérature fantastique. Les scénaristes n'ont pas ménagé leurs
efforts puisqu'au final, le Dracula de Gary Shore est un savant
mélange du personnage historique et de la créature de Stoker. Et
quoi qu'en pensent les puristes qui n'aiment pas que l'on touche à
leurs classiques, ça fonctionne ! D'autant plus que le film est
ancré dans un contexte historique réaliste.
En effet, le film nous présente le
prince Vlad III, voïvode de Valachie (le sud de la Roumanie
actuelle), marié et père aimant, que les Valaches craignent autant
qu'ils le respectent. Sa réputation de guerrier sanguinaire n'est
plus à faire, car il a combattu dans l'armée turque pendant de
longues années, il y fut envoyé enfant en tant qu'otage royal.
Nous sommes ici face à la première
réalité historique du film : la première moitié du XVe siècle
fut très mouvementée pour l'Europe de l'Est, le puissant Empire
ottoman étant déterminé à étendre son pouvoir sur la totalité
de l'Europe chrétienne. À ce niveau de l'Histoire, les Balkans sont déjà conquis et
Constantinople était tombée (1453). Seuls quelques accords de paix
dans les territoires occupés permettaient de maintenir un semblant
de calme, à condition que chaque dirigeant offre un tribut au
sultan. Le père de Vlad, Vlad II Dracul, conclut réellement un
accord de paix avec les Turcs en 1447, après avoir envoyé son fils
comme otage royal en 1442 auprès du sultan Mourad II (le père de
Mehmed II).
Pour le coup, pas de doute, les
personnages du film sont bel et bien ancrés dans l'histoire de la
région et donc tout à fait légitimes.
Alors, bien sûr, il fallait des
rebondissements et un bon motif pour le prince de rompre son pacte de
paix avec les Turcs et introduire la créature maléfique qu'il
allait devenir. Soit, c'est là qu'entre en scène le fantastique, et
c'est plutôt bien vu, car Vlad III fut réellement celui qui rompit
le pacte de paix avec l'Empire ottoman en 1462, en refusant de payer
le tribut au sultan. Avec le soutien de la Hongrie (dernier rempart
contre l'envahisseur musulman) et de son chef, Matthias Corvin, Vlad
lance une immense campagne contre les Turcs, tuant plus de 30 000
hommes, mais perdra par là même le soutien de son propre frère et
d'un bon nombre d'aristocrates valaches. Il dut s'enfuir à
Târgovist, brûler ses propres villages, pour ne plus rien laisser
aux Turcs. Lorsque le sultan Mehmed II arrive à Târgoviște, il est
confronté à une vision d'épouvante : sur des centaines de
pals, les corps de nombreux officiers turcs prisonniers sont dressés,
une scène terrifiante qui fut surnommée « la forêt des
pals » et qui marqua les esprits.
La légende de Vlad l'Empaleur était
déjà en marche et ses exploits sanguinaires sont plutôt bien
exploités dans le film. Jusqu'à faire mention des villages brûlés
dans la scène de la grotte, lorsque Vlad affronte le monstre qui s'y
cache et lui demande de lui donner ses pouvoirs. Cette scène, très
réussie, permet à elle seule de définitivement voir le prince tel
qu'il est vraiment, c'est-à-dire, déjà un monstre.
"Ce n'est plus l'épée que les hommes redoutent, ils redoutent les monstres. Ils fuient devant eux. Mais parfois en sacrifiant un village, j'en épargne dix de plus. Le monde n'a pas toujours besoin d'un héros, il a parfois besoin d'un monstre" (dans la traduction française)
La mort de Mirena
Comme la splendide adaptation de
Francis Ford Coppola, le film s'appuie également sur l'idée de
l'amour éternel. Vlad est fou amoureux de sa femme à tel point que
même la mort ne peut les séparer. La mise en scène de la mort de
Mirena est en accord avec la légende de notre empaleur, puisque la
femme de Vlad III perdit la vie en tombant de la falaise que
surplombe la forteresse de Poenari, alors assiégée par l'armée
turque.
Bien que Bram Stoker n'ait jamais fait
état de manière claire et précise qu'une relation amoureuse
s'était nouée entre Mina Harker et Dracula, ce fantasme populaire
(et somme toute assez logique) fera du comte un être charismatique
et romantique, mû par l'envie de revoir un jour son amour tant aimé.
Dacre Stoker, lui-même, met en scène cette histoire d'amour dans
son Dracula L'immortel publié en 2009, suite directe de
l'œuvre de son grand oncle. Profondément enracinée dans la culture
populaire cinéphile, il était difficile de faire sans et il aurait
été même bien décevant de ne pas en faire mention.
Les janissaires
Autre fait historique qui est à la
base même du conflit entre Vlad et Mehmed II, la volonté du sultan
d'enrôler 1000 jeunes Valaques pour son armée.
Les janissaires ont réellement existé
et formaient un ordre militaire très puissant et constituaient
l'élite de l'infanterie de l'armée ottomane. Cette armée était
principalement constituée d'esclaves chrétiens. C'est à partir du
XIVe que les Turcs décidèrent de prélever régulièrement aux pays
conquis des jeunes enfants chrétiens, âgés de 10 à 15 ans, pour
les former et en faire des musulmans et des experts dans l'art de la
guerre. Ce recrutement permettait à l'Empire ottoman de renforcer
son armée tout en affaiblissant ses sujets chrétiens
potentiellement insoumis.
Et le film dans tout ça ?
C'est, pour ma part, une réussite
scénaristique et visuelle. Quoi qu'en pensent ses détracteurs,
Dracula Untold pose des bases solides et réalistes (autant que
faire se peut, nous parlons quand même d'un vampire, hein !) de la
vie de notre prince et met en scène de très belles batailles. Vlad
III se présente comme un grand guerrier, mais aussi un dirigeant qui
doit faire des choix pas toujours catholiques pour la survie de son
pays, un homme avec ses forces et ses faiblesses, que le sort
conduira à faire LE mauvais choix.
Luke Evans interprète son rôle avec
justesse et force. Les nombreux Making-of présents sur le
Blu-ray nous permettent de juger du réel effort de l'acteur (mais
aussi du reste de la production) pour faire un bon film, il aime son
personnage et cela se voit.
Le seul reproche que je pourrais faire,
c'est le manque de sang à l'écran (même si chouchou est quand même
effrayant, hein !)
Mention spécial pour la bande
originale de Ramin Djawadi qui est une pure merveille (en voici un exemple)
Pour conclure, c'est une adaptation que
je conseille vivement ; pour peu que l'on soit capable de mettre
le classique de Stoker de côté, l'histoire qui se déroule ici, est
d'un autre temps.
Fiche Technique
Dracula Untold
Film américain de Gary Shore
Avec : Luke Evans, Dominic Cooper, Sarah Gadon...
Genre : Fantastique, horreur
Sortie française le 1er octobre 2014